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« Fratelli tutti » Le P. Antoine Paumard sj, directeur de JRS Irak témoigne

Témoignages des jésuites en mission

Découvrez le témoignage du P. Antoine Paumard, jésuite en mission auprès de JRS Irak, dont il est le directeur depuis septembre 2022. Il nous invite dans ce témoignage à "oser la rencontre" et à "cultiver le terreau de la fraternité".

13/01/2023
« Fratelli tutti » Le P. Antoine Paumard sj, directeur de JRS Irak témoigne
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Témoignage d’un jésuite en mission : Le P. Antoine Paumard sj – Directeur de JRS Irak

[Il s’agit d’une interview accordée par le P. Antoine Paumard sj à la rédaction de Mains nues, la revue de l’association Aux captifs la libération.]

« Tous frères et sœurs », sujet de notre dossier, est aussi le titre de l’encyclique du pape François : Fratelli tutti. Concrètement comment JRS vit cette invitation en lrak aujourd’hui ?

pere antoine paumard jesuiteP. Antoine Paumard sj : « Nous vivons ici quelque chose d’étonnant. Nous ne demandons pas aux personnes que nous accompagnons de quelle religion elles sont : nous les abordons avant tout comme des frères. Dans nos écoles, il y a différents types de chrétiens, et des musulmans, des Yézidis. Car les enfants et les jeunes qui viennent ne sont pas issus des mêmes quartiers, ou des mêmes villes. Et c’est ici qu‘ils apprennent à se connaitre. Nous leur proposons de vivre ensemble une forme de fraternité : apprendre à nager dans une piscine, partager un atelier théâtre, s’exprimer avec la danse… Des activités assez proches de ce que l’on fait en France avec les personnes réfugiées. En vivant des choses ensemble, nous sommes amenés à découvrir quel être merveilleux s’est glissé en l’autre. En mars 2021 lors de sa visite en lrak, le pape François a dit « la beauté’ n’est pas unicolore mais rayonne par la variété et les différences ». Il est bon de se sentir frères et sœurs les uns des autres. C‘est un enjeu encore plus fondamental pour les personnes qui ont été captives de Daech, et qui ont éventuellement appris à poser des bombes ou à tuer des gens. ll y a tout un travail de redécouverte de l‘humain qui vit en l‘autre. Nous essayons de les aider à creuser en eux et retrouver leur cœur, à construire des personnes. »

Après quelques mois en lrak, dans un contexte de guerre ou de suite de la guerre, avec des musulmans et des chrétiens, qu’avez-vous appris ou réappris sur la fraternité ?

P. Antoine Paumard sj : « C’est un peu bête, mais déjà dans nos bureaux, nous sommes une douzaine de salaries issus de tous les horizons : des hommes, des femmes, des musulmans sunnites et chiites, des chrétiens chaldéens, syriaques ou catholiques… Ce qui nous avons en commun c’est la fraternité blessée. Parmi nous, les deux expatriés mis à part, tous ont dû fuir à un moment ou à un autre. Et nous apportons notre soutien à ceux qui souffrent. Et c’est ce que j’apprends : la fraternité peut toujours renaitre. Le postulat pour ces personnes-là, C’est vraiment « continuons de donner une chance à cette fraternité », c‘est le seul horizon pour vivre une vie vivable. Avant d’être ici, je n’avais jamais autant associé fraternité et résurrectionIci, on revit grâce à la fraternité. Et un mot fort pour les Irakiens, c’est l’espérance parce qu’elle manque cruellement. Ici, a JRS lrak, nous participons à la reconstruction de la fraternité, c’est réel. »

Pour grandir en fraternité en ce temps de Noel, a quoi nous invitez-vous, que nous soyons donateurs, bénévoles, salariés, volontaires, ou accueillis des Captifs ?

P. Antoine Paumard sj : « Je trouve cette question géniale ! J’invite chacun à agir selon sa force, avec un objectif : « oser la rencontre ». Par exemple, inviter quelqu’un à ta table à Noël. Par exemple un étranger, qui vit loin de chez lui. Dans les Ecritures, c’est souvent l’étranger qui révèle le visage de Dieu. ll faut donc s’interroger : quel étranger va m’apprendre le visage de Dieu ? Par exemple, ici je suis un étranger pour les Irakiens, mais ils me sont étrangers, ce sont eux qui m’enseignent le visage de Dieu. Aux personnes seules, qui n’ont pas les moyens d’inviter, je dis qu’il faut au moins être curieux de cet étranger. Et ce n’est pas forcément l’étranger au premier degré, mais il peut s’agir d’un membre de sa famille avec lequel on est fâché. ll faut cultiver le terreau de la fraternité. Et ce terreau c’est la paix. Faire la paix, c’est mettre en premier la fraternité qu’on cherche à construire. Détruire une relation, c’est facile. Construire la fraternité, c’est beaucoup plus difficile.

Alors oui inviter à sa table et être curieux de celui qui nous semble différent participe à la paix qui nous visite à Noël. Jésus qui arrive, c’est le Prince de la Paix. Et c’est parce qu’ils ont été curieux que les bergers, comme les mages, des étrangers nous montrent Dieu et nous permettent de le rencontrer. »

« La beauté n’est pas unicolore mais rayonne par la variété et les différences. »
« Cultivons la fraternité »